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Tondeuses sur pattes efficaces

Edition N°21 - 1er juin 2023

Sauver la biodiversité à l’aide de chèvres : il fallait y penser. (photos lb)

Quand on parle de « débroussailleuse », on s’imagine plutôt une machine bruyante acquise au rayon jardinerie. La famille Rohrer de Crémines en propose désormais une version alternative, plus naturelle. Le pâturage que les agriculteurs louent à la commune accueille désormais un troupeau de vingt-six chèvres dont la moitié a pris ses quartiers au pied du Raimeux en présence de la presse régionale. Transportés dans une bétaillère, les derniers animaux ont rapidement été rejoints par les quinze autres chèvres déjà sur place. De la race grisonne à raie, ces caprins en jettent avec leur robe noire et blanche. Parmi les onze nouvelles venues, quelques « chamoisées » ainsi que les chèvres dites « boer » aux oreilles pendantes. A peine arrivées dans les hautes herbes, ces adorables bêtes font aussitôt bonne chère des buissons invasifs. « Elles apprécient ces épines. Par contre nos vieilles chèvres chamoisées qui ont grandi chez nous sont peut-être moins ravies de cette végétation », explique Ivo Rohrer, en charge du pâturage et des animaux. 

Des travailleuses efficaces

Véritables tondeuses sur pattes, les caprins ont pour tâche d’éclaircir pas moins de 8 hectares de prairie envahis d’épines noires, de noisetiers ou d’églantiers. Inoffensive sur le papier, cette végétation est pourtant en train d’étouffer un précieux écosystème menacé en Suisse : celui des pâturages et prairies secs. Représentant seulement 0,7 % de la surface nationale, ces milieux accueillent des spécimens rares d’orchidées, de papillons ou de lézards. « Si on perd ces espèces, on perd non seulement un patrimoine naturel mais aussi toute une partie de la fonctionnalité de la biodiversité », précise Quentin Kohler, chef de projet pour l’Action Lièvre et Cie, chapeautée par Pro Natura. Mais pourquoi une intervention animale plutôt que mécanique ? « Utiliser des machines stimulerait la repousse des buissons. Il faudrait revenir l’année suivante pour répéter l’opération », explique Quentin Kohler. Les chèvres, elles, sont certes plus lentes mais plus efficaces à moyen terme. D’ici quelques années, le pâturage pourra à nouveau accueillir des vaches qui, contrairement à leurs cousins ongulés, ne pourraient assumer la tâche de débroussaillement. 

Pérenniser la méthode 

Le projet pilote concernera cinq communes du Jura bernois, la prochaine étant Vauffelin. Mais la Berne francophone n’est pas le premier territoire à avoir accueilli des chèvres débroussailleuses. L’honneur reviendrait plutôt aux cantons d’Uri et des Grisons, d’où les initiateurs de la démarche ont tiré des résultats positifs. Si par la suite le bilan final du Jura bernois s’avère réjouissant, la phase suivante consisterait à débloquer un soutien de la Confédération pour pérenniser les débroussaillages de ce type. « L’idée est qu’avec les données acquises, nous puissions établir une contribution financière pour couvrir les coûts des débroussaillages, ce qui n’est actuellement pas le cas », explique Pascal König du Service de la Promotion de la Nature du canton de Berne. En effet, rien que préparer le pâturage du Crât pour accueillir les chèvres a son prix, à savoir 70’000 francs répartis entre le canton, la commune et Pro Natura. Les chèvres reviendront sur place chaque été, et ce jusqu’à ce que l’avancée des buissons soit stoppée. De quoi déjà donner quelques idées à Ivo Rohrer : « C’est un projet qui a de l’avenir, également dans notre exploitation. D’autres surfaces à nous pourraient aussi accueillir des chèvres. »

Louis Bögli

 

Sauver la biodiversité à l’aide de chèvres : il fallait y penser. (photos lb)