Culture, Portraits

Police… hier, artiste aujourd’hui !

Edition N°30 - 19 août 2020

Phanee de Pool allias Fanny Diercksen, une artiste sympa qui se revendique un peu déjantée. (photo David Desreumaux)

Il faudrait être vraiment de mauvaise foi pour ne pas connaître ou avoir entendu Phanee de Pool, alias Fanny Diercksen, chanteuse, compositrice et interprète qui a grandi à Bévilard. Cette artiste, qui a passé sept années à la police cantonale bernoise, est revenue il y a quatre ans à ses premières amours, la musique. Chouchou de quasiment tous les médias et saluée par les pros de la scène, elle cartonne sur les ondes et lors de ses concerts. Petite par la taille mais grandiose par le talent avec sa voix tantôt suave tantôt puissante, elle a su conquérir un public toutes générations confondues et se faire une belle place sur la scène romande, voire internationale. Sa spontanéité, ses inspirations musicales variées genre slam-rap, qu’elle nomme slap, avec des textes acidulés ou tendres, soutenus par une bonne rythmique donnent à chacune de ses compositions un climat spécifique.

Souvenez-vous. Dans notre édition du 1er février 2017, nous vous annoncions en primeur le retour de l’enfant prodigue de la chanson qui allait quitter son métier de «fliquette» pour embrasser la carrière qu’on lui connait actuellement. Et cela un peu par hasard. Le soussigné avait ramassé une truffe pour un parcage indélicat sur une propriété privée et c’est Mademoiselle Diercksen qui fut chargée du dossier. «Et si nous profitions de cette entrevue pour une interview prochainement ? » lui proposais-je malicieusement, toujours à l’affut d’un reportage sympa. «Et bien volontiers, ça m’arrange puisque je vais prochainement quitter la police pour me consacrer à nouveau à la chanson», me répondit-elle en précisant que nous allions la découvrir dorénavant sous le pseudo de : «Phanee de Pool, ça fait un peu plus anglophone, et le nid de poule, un jeu de mot avec mon prénom qui peut parfois bien coller à mon style de coiffure», rigola-t-elle!

Enfant de la balle

Depuis sa plus tendre enfance, Fanny a baigné dans le monde du spectacle. Une maman concertiste de piano, créatrice de marionnettes, un papa féru de jazz, homme de radio et qui a fait revivre la mémoire du clown Grock en organisant notamment de nombreux galas et festivals. Le couple fut aussi en quelque sorte pionnier de la radio RJB. Ils sont d’ailleurs aujourd’hui le soutien logistique de leur fille. Musicalement, Fanny se forme à l’école de jazz de Lausanne, section guitare. Elle touche aussi un peu à tout : piano, clarinette, saxophone, contrebasse ou batterie ce qui lui donne une bonne base. Elle fait de la scène, d’abord comme clown, présentatrice, puis elle tourne avec un trio professionnel en France, Belgique, Suisse. Fanny tente aussi le fameux télé-crochet Nouvelle Star sur M6 avec six passages télévisés et fera aussi un passage remarqué avec sa guitare au festival de la Francophonie à St-Pétersbourg en Russie, etc. Elle y prend beaucoup de plaisir mais la musique ne lui permet pas de gagner sa vie. En 2010, elle fait l’école de police et y restera sept ans. Des années nourricières qui lui apporteront une autre expérience de vie, mais aussi un silence musical prolongé.

Débuts prometteurs

Une date qui lui tient à cœur : le 11 septembre, le jour où s’écroulèrent les tours de New York. C’est pour elle un symbole de la bêtise, de la méchanceté humaine et de l’horreur qui l’auront marquée. C’est donc ce jour-là (en 2006), qu’elle empoigne sa guitare et compose son titre : Luis Mariano. Elle l’enregistre dans sa cuisine avec des moyens très simples, et le publie sur les réseaux sociaux. Gros succès tout de suite.

Forte de cette reconnaissance d’autres titres suivent, composés en quelques mois, dont Des miettes sur le canapé, Je suis, C’est normal ou Toutes les minutes. Les radios s’y intéressent et elle sort son premier album, Hologramme, en CD et en vinyle. Fanny Diercksen devient Phanee de Pool et une star en devenir avec son côté déjanté, son grain de folie, son espièglerie, ses textes malicieux et drôles soutenus par une voix solide et affirmée. A vous donner la chair de Pool.

Ascension fulgurante

Depuis, elle enchaîne les passages radiophoniques ou télévisés, les concerts à succès et a fort à faire face aux sollicitations des nombreux médias qui tous tentent de rivaliser d’ingéniosité pour avoir l’interview originale. Elle se produit seule sur scène avec sa guitare, ses claviers, un looper et mille astuces, dans un décor rococo recherché, où son charisme, son humour et son punch ravageur font merveille, le tout sanglée dans une espèce de costume d’officier. En trois ans seulement, elle crée trois formats de spectacle (solo, octet et symphonique) pour enflammer 180 scènes, de Paléo jusqu’en Chine, avec Hologramme, son premier album salué par l’Académie Charles Cros ou les Swiss Music Awards. D’ambitieux projets internationaux remplissaient d’ores et déjà son agenda 2020. Mais depuis mars, près de 40 dates sont tombées jusqu’à septembre à cause de la situation sanitaire. Mais Phanee a gardé le contact avec ses fans. Chaque jour pendant huit semaines, elle leur présentait en coups de cœur et découvertes, une cinquantaine d’artistes confirmés ou inconnus qu’elle invitait en direct aux Poolpéros confinatoires sur sa page Instagram, ainsi que quatre clips teintés de Covid notamment pour la RTS : Nous recollerons les décombres, Bâton vanille-sympho confiné, C’est un art, ou On se prenait dans les bras. D’autres titres prometteurs : Baby blues, Madam’oiselle, Questions bêtes ou La Reine de la provoc, etc., complèteront son nouvel opus.

Nouvel album

Phanee-Fanny continue sur sa lancée et propose un nouveau CD qui sortira le 21 août (il devait sortir en mai, satané virus) intitulé Amstram. On peut bien entendu s’attendre à une production atypique, une espèce de déferlante de formules inédites et d’explorations musicales. Des textes qui parlent de nous, de la société, de nos questions existentielles, le tout servi par une diction parfaite. Ainsi, le baptême symphonique d’Amstram, au Montreux Stravinski, est reporté au mercredi 11 novembre 2020 et les répétitions du spectacle avec 50 musiciens ont repris depuis juillet.

Bientôt en commerce, l’album CD est en prévente publique sur www.phaneedepool.com. Nous savons que la culture a été durement frappée par la crise Covid et à défaut de concerts, les ventes de CD restent parmi les seuls revenus que peuvent espérer les musiciens indépendants pour survivre. Quand on connaît aussi la misère que rapportent aux artistes les chargements en streaming, gageons que les gens de notre région sauront se montrer solidaires avec cette belle et douée égérie, notre Poolette en quelque sorte, une nana bien de chez nous. On découvrira aussi sur son site ses prochains spectacles.

Claude Gigandet

 

Phanee de Pool allias Fanny Diercksen, une artiste sympa qui se revendique un peu déjantée. (photo David Desreumaux)