Culture

Voyage dans un monde ancestral

Edition N°42 - 11 novembre 2020

Le maître des lieux, Pierre-Alain Girard, règne sur des milliers d’objets et documents anciens. (photo cg)

Pierre-Alain Girard est un collectionneur patient et grand connaisseur de la vie de la région. Dans sa maison, une ferme jurassienne typique datant de 1697, magnifiquement rénovée, il a installé un véritable petit musée fait de documents anciens, objets hétéroclites de la vie d’autrefois, de jeux, d’images ou d’arts et traditions populaires. C’est à un véritable voyage dans le temps et dans un monde ancestral qu’il guidera le visiteur dans les étages du bâtiment, avec force détails et références historiques. Portrait d’un passionné à la tchatche volubile qui vit au cœur d’une atmosphère séculaire depuis plus de trente ans.

Natif de Reconvilier, né en 1956, Pierre-Alain Girard y a fait toutes ses classes avant de s’orienter vers une formation de laborantin et suivre des études dans la métallurgie. Il vivra à Neuchâtel puis au Landeron avant de revenir en terre d’Orval pour travailler chez Swissmetal. Actuellement, il est responsable de laboratoire à la Boillat en attendant sa prochaine retraite pour se consacrer à plein temps à sa passion muséale. Divorcé, il est papa de deux enfants, qui vivent dans la région neuchâteloise, et une fois grand-papa. Pierre-Alain Girard est un membre assidu de l’ASPRUJ (sauvegarde du patrimoine jurassien), de la Société jurassienne d’Emulation, et collabore avec Mémoires d’Ici et les musées.

Ferme typique

Nul besoin d’être féru d’histoire ou passionné de vieilles choses pour que la magie opère dès qu’on passe le seuil de cette bâtisse de 1697 qui est déjà un musée en soi. Située sur le haut du village de Pontenet, au pied du Moron, la ferme est de type jurassien, dite à pignon frontal, avec 6 000 m2 de terrain. Elle a gardé sa disposition en trois parties : une partie habitation à l’ouest, une partie rurale à l’est et, au centre, un couloir traversant, à l’instar de ce qui se faisait à l’époque. Elle date donc de l’ancien évêché de Bâle et a connu les périodes françaises (Louis XIV régnait encore) du Mont-Terrible, du département du Haut-Rhin puis du traité de Vienne qui la rattacha à Berne. Elle fut rehaussée au début du XXe siècle et des annexes ont été ajoutées.

C’est Pierre-Alain Girard qui l’a acquise et restaurée il y a une douzaine d’années. Une restauration respectueuse aussi bien extérieure, en conservant la voûte de pierre calcaire de la grange et un crépissage fini à l’éponge, qu’intérieure, en respectant les volumes ainsi que les boiseries et planchers d’origine. Cet objet est bien entendu protégé et répertorié au recensement architectural cantonal. Il fallait aussi installer le chauffage central, qui est alimenté par deux chaudières : bois et mazout.

Histoire régionale

Pierre-Alain Girard a depuis longtemps la passion des collections. C’est ainsi qu’en fréquentant les brocantes, les ventes ou en consultant Internet, il s’est constitué un réseau. Depuis plus de dix ans, il aménage son musée, nommé Neuf Clos (lieu-dit du village) dans les nombreuses pièces de sa ferme en apportant un soin particulier à ses trouvailles qui sont présentées dans des vitrines pour les documents et pièces rares ou conservées dans des tiroirs. La grange et les écuries regroupent des objets du quotidien, des outils, des costumes ou du mobilier d’autrefois, bien mis en valeur et qui retracent l’histoire régionale de 1700 à nos jours.

Dans les étages et les greniers, on trouvera une multitude de livres anciens, de documents originaux retraçant notamment la période charnière de la fin de la domination des princes-évêques et des débuts avec Berne. Des documents officiels incroyables, parfois très anciens, comme des textes datant des débuts de l’imprimerie (1450), des actes, des lettres, des gravures, dont une belle série représentant le Pierre-Pertuis, les premiers romans écrits dans nos vallées, bref, tout un pan de notre histoire, le tout soigneusement mis en scène, et que le maître des lieux raconte avec une rare verve. Seul un petit pourcentage de ses antiquités est exposé, privilégiant ce qui a de l’intérêt plutôt que les pièces les plus rares.

Imagerie et jeux

S’il collectionne un peu de tout, Pierre-Alain Girard affectionne particulièrement tout ce qui touche à l’imagerie et qui ne concerne pas uniquement la région. Sa passion l’a conduit à s’intéresser aux différentes sortes de cartes, tarot, sept familles, images pieuses ou profanes, almanachs, etc., ainsi qu’à leurs règles et à leur histoire. De fil en aiguille, il s’est passionné pour l’imagerie populaire telle que les images d’Epinal et aux procédés d’impression qui les concernent, à l’instar de la gravure sur bois qui permit d’imprimer des images en grand nombre à partir d’un moule gravé sur lequel on passait un rouleau encré. Cela permettait de faire passer un message plus facilement, à cette époque où l’analphabétisme était courant.

On trouvera également de nombreux jeux, comme le jeu de l’oie dont les familles se repaissaient lors de leurs soirées avant la télé ainsi que le traditionnel jeu de cartes à jouer qui connaît encore et toujours un succès phénoménal. Il en possède de très anciens et rares.

Précinéma

Avant que le cinématographe ne fasse défiler des images sur un support souple comme ce fut le cas vers la fin du 19e siècle, il existait d’autres techniques pour donner du mouvement aux images et les rendre plus vivantes, auxquelles on a donné des noms improbables. La lanterne magique ou d’autres inventions d’instruments optiques basés sur le phénomène de persistance rétinienne, il y en a une belle palette dans ce musée qui retrace le lent cheminement qui a duré plusieurs siècles avant le cinéma.

Ce sont donc ces merveilles d’une autre époque de notre coin de pays, un voyage hors du temps dans un monde séculaire et la manière dont vivaient nos ancêtres que chacun pourra découvrir au musée du Neuf Clos, dans une mise en scène recherchée et avec les commentaires enthousiastes du propriétaire. L’âge de la retraite approchant, Pierre-Alain Girard pourra se consacrer encore plus à sa passion et faire bénéficier chacun de ses trouvailles et trésors acquis au fil des ans.

Claude Gigandet

www.neufclos.ch

Le maître des lieux, Pierre-Alain Girard, règne sur des milliers d’objets et documents anciens. (photo cg)