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Auditoire conquis !

Edition N° 10 – 19 mars 2025

Ancien champion olympique de saut d’obstacles à Séoul en 1988 avec Jappeloup, Pierre Durand (à droite) a donné une conférence à l’Auberge de Bellelay, jeudi dernier, dans une salle bondée jusque dans ses moindres recoins. Le Français a su conquérir son auditoire en narrant ce véritable conte de fée avec le brio qui le caractérise. Quel talent ! (photo Manuela Belmonte)

«Jappeloup m’a appris l’humilité!»

On pensait avoir déjà tout lu, tout vu et tout entendu sur Jappeloup et voilà que son unique cavalier en compétition nous balance, avec un talent d’orateur inouï, un florilège de révélations et d’anecdotes inconnues au bataillon qu’on déguste avec le même émerveillement qu’un enfant devant le sapin de Noël. Pour que la sauce dégage toute sa saveur, c’est la speakerine du Concours Hippique International de Genève Gillie Jaquet qui a placé Pierre Durand sur le grill, via de pertinentes questions qui ne sont évidemment pas étrangères à la grande qualité de cette conférence. Dans un silence quasi religieux, Pierre Durand a captivé son auditoire de bout en bout, un peu comme l’étaient ses nombreux fans lorsqu’il atteignait les sommets de la hiérarchie avec l’incroyable Jappeloup. C’est lors d’une promenade à vélo avec son grand-père que l’observation d’un cheval au galop dans un champ que la noblesse, la puissance et la grâce de l’animal provoqua une sorte de déclic auprès du jeune Pierre, sous le charme. Personne n’a alors pu le détourner de son obsession : monter à cheval. Vécue lors de vacances en Espagne, sa première expérience ne l’a pas déçu : « J’ai tout de suite été conquis par son odeur et le soyeux du poil. C’était un véritable coup de foudre », a-t-il expliqué. Avant de se diriger vers le saut d’obstacles, Pierre Durand s’est d’abord essayé au concours complet, mais une mauvaise chute, à l’âge de douze ans, avec une commotion cérébrale à la clé, a brisé son enthousiasme. Verdict : un abandon immédiat de la discipline ce qui ne fut pas pour déplaire à sa maman, elle qui trouvait le concours complet trop dangereux. 

De l’humiliation à l’adulation 

Pierre Durand a ensuite croisé le chemin d’un certain Jappeloup et rien, mais alors rien du tout ne l’attirait chez ce cheval. Ni sa petite taille, ni ses origines, ni son allure. Bref, à oublier et vite ! C’est en tout cas ce sentiment qui l’animait, mais contre toute attente, le cheval commença petit à petit à attirer son attention par sa légèreté, son intelligence et sa manière unique de voler magistralement sur les obstacles. Ce potentiel-là ne pouvait raisonnablement pas être ignoré et la volte-face du cavalier français fut indiscutablement le tournant de sa carrière, de sa vie, même. La suite, on la connaît. Une humiliation aux Jeux olympiques de Los Angeles en 1984 devant les caméras du monde entier suite à une chute spectaculaire et un titre olympique quatre ans plus tard à Séoul. Mais que s’est-il donc passé durant les quatre ans séparant Los Angeles de Séoul, nous direz-vous. En fait, Pierre Durand a compris qu’il ne connaissait pas véritablement Jappeloup. Alors, il l’a observé pour mieux le cerner. Le Français a compris que c’était par des attentions valorisantes qu’il serait possible de le placer sur les rails du succès. Pour mettre tous les atouts de son côté et se rapprocher le plus possible de son rêve d’ado, un titre olympique, Pierre Durand a intégré l’aspect mental dans sa préparation tout en laissant une grande place à la visualisation positive. Bien lui en pris puisque c’est durant cette même période que Jappeloup lui a appris l’humilité. « Cette année-là, je me suis déjà rendu à Séoul au mois de janvier pour visiter les sites et m’imprégner du lieu. Durant la phase de préparation, j’ai imaginé le scénario de la victoire des milliers de fois. J’ai même visualisé la montée du drapeau français lors des cérémonies des médailles. Et le jour où cela arriva, je n’ai pas véritablement pu savourer l’exploit puisque je l’avais déjà vécu dans mon imaginaire. » 

Paradoxalement, le cavalier tricolore a expliqué qu’à ses yeux, la plus grande performance de sa carrière n’était pas son titre olympique, mais le sacre européen de 1987 à Saint-Gall où Pierre Durand et Jappeloup ont brûlé la politesse à John Withaker montant le légendaire Milton. Consacrée aux questions du public, la deuxième partie de la conférence s’articula principalement autour du film Jappeloup. Ceux qui l’ignoraient encore ont appris que Pierre Durand ne s’est pas reconnu dans ce scénario fantasque : « Quand on vous parle d’une vie qui devrait être la vôtre, mais qui ne l’est pas, on ne peut que difficilement goûter à la supercherie. J’ai hésité à saisir la justice, mais comme je n’étais pas diffamé, j’ai finalement renoncé à emprunter cette voie. Cela dit, je l’avoue sans détour, c’était un bon film qui a réussi à donner des clés de compréhension de notre sport. » C’est toujours ça de pris…

Olivier Odiet 

 

Respectivement organisateur, animatrice et conférencier, François Vorpe, Gillie Jaquet et Pierre Durand ont tous contribué au succès d’une sacrée soirée. (photo Manuela Belmonte)
Partie de ping-pong verbal entre deux spécialistes du monde équestre. (photo Manuela Belmonte)
Pierre Durand s’est d’abord livré avant de signer… (photo Manuela Belmonte)

 

Ancien champion olympique de saut d’obstacles à Séoul en 1988 avec Jappeloup, Pierre Durand (à droite) a donné une conférence à l’Auberge de Bellelay, jeudi dernier, dans une salle bondée jusque dans ses moindres recoins. Le Français a su conquérir son auditoire en narrant ce véritable conte de fée avec le brio qui le caractérise. Quel talent ! (photo Manuela Belmonte)