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En baignade avec des titans

Edition N°8 – 1 mars 2023

A la fois puissantes et grâcieuses, les baleines ne cessent d’impressionner et d’émerveiller. (photo ldd)

Munissez-vous de votre maillot et tuba, et plongez avec nous dans ce 23e épisode de notre série cinéma. Le documentaire « Les Gardiennes de la planète » nous immerge dans un monde extraordinaire dominé par les baleines, êtres mystérieux et bien plus complexes qu’ils n’en ont l’air. 

Sur une plage en Normandie, une gamine fait une découverte étonnante et spectaculaire : une baleine à bosse échouée. Bientôt, c’est tout un groupe de sauveteurs qui enchaînent les seaux d’eau pour garder le cétacé vivant. Ce dernier, narrativement incarné par l’acteur Jean Dujardin, se met à conter l’incroyable histoire des baleines. De leur passage de la vie terrestre à la vie aquatique, il y a plusieurs millions d’années, aux grandes révolutions industrielles qui ont failli les rayer de la carte, ces animaux en ont des choses à faire découvrir et ne cessent d’impressionner de par leurs capacités. Le cachalot retient sa respiration pendant plusieurs heures pour chasser dans les abysses, la baleine du Groenland peut vivre plus de deux siècles tandis que la jubarte danse joyeusement en produisant des sauts spectaculaires hors de l’eau. Mais ces paisibles géantes dissimulent aussi une intelligence fort surprenante, en partie dissimulée dans un langage complexe que nous autres, hommes, appelons simplement « chant ». Mais il s’agit pourtant de bien plus… 

Immersion phénoménale

Les premières minutes de « Les Gardiennes de la planète » sont pour le moins intimidantes. Enfermé dans une salle obscure, le spectateur se retrouve rapidement sous l’eau face à de gigantesques créatures engloutissant l’écran, se mouvant avec délicatesse et puissance. Un sentiment de démesure bien sûr renforcé par l’écran géant, mais aussi par des caméras toujours placées au bon endroit et au bon moment. Nombreux sont les plans soulevant la question de comment cela est-il même possible à filmer. Les petits yeux des baleines fixent calmement l’objectif des cameramen qui suivent chaque mouvement des cétacés avec une grande justesse. Tout semble par moment si millimétré et parfait qu’on en oublierait la nature documentaire de l’œuvre. Et autant rajouter que celle-ci ne lésine pas à nous faire voyager aux quatre coins du globe, passant des mers chaudes du Mexique aux étendues glacées de l’Antarctique. L’invitation à la découverte est bien là, et difficile d’en manquer une seule miette tant le spectacle dépasse tout ce que l’Homme tenterait vainement de reproduire artificiellement sur grand écran. 

Poème filmique 

Malgré ses aspects éducatifs, « Les Gardiennes de la planète » est au-delà du médium documentaire. Balayées sont ici les différentes sections présentant chaque espèce de baleines individuellement. Certes, chacune a droit à son petit moment de gloire, mais le message reste qu’elles ne forment au final qu’un seul corps. Sous la forme d’une vaste communication faite de chants variant selon les spécimens. Etranges sons ressemblant à des claquements ou des grincements, ces incessantes discussions génèrent une magnifique atmosphère tout au long du récit, accompagnée par la voix tranquille de Jean Dujardin, ici dans un registre qui lui sied relativement bien. Finalement, le film est bien plus un poème de plus d’une heure qu’un simple documentaire. Ce n’est pas franchement étonnant puisque le réalisateur et scénariste Jean-Albert Lièvre s’est inspiré du poème « Whale Nation » de Heathcote Williams, publié en 1988. Une œuvre qui ne date certes pas d’hier mais qui se fond parfaitement avec les découvertes scientifiques récentes et la lutte constante contre l’extinction des baleines. 

Une chose est sûre : elles sont bien plus précieuses dans la mer que sous la forme de cirage à chaussures. Un bon rappel que nous fait ce documentaire qui s’avère également être une véritable expérience de cinéma à savourer avec toute la famille. 

Louis Bögli 

« Les Gardiennes de la planète »
Réalisation : Jean-Albert Lièvre
Durée : 1 h 22
Pays : France
Note : 4.5/5 

 

Le saviez-vous ?
Imiter le naturel au lieu de le chasser

La baleine mentionnée dans le synopsis du documentaire n’était en réalité par un cétacé agonisant sur une plage. Il s’agissait d’une séquence entièrement scriptée où la baleine était jouée par… une maquette géante. Mesurant plus de 12 mètres et pesant 400 kilos, cette fabrication était constituée de bois, de polystyrène et de résine pour un résultat criant de réalisme. Suffisamment en tout cas pour piéger les spectateurs mais aussi les quelques promeneurs passant par là durant le tournage. Et que les suspicieux se rassurent : toutes les autres baleines du documentaire étaient, elles, bien réelles, soigneusement filmées dans leurs milieux respectifs rendus calmes par la période pandémique.

(lb)

A la fois puissantes et grâcieuses, les baleines ne cessent d’impressionner et d’émerveiller. (photo ldd)