Portraits

Le jour où tout a basculé…

Edition N°26 - 1er juillet 2020

Daisy Mercier évoque sa sclérose en plaques et le parcours qui a suivi dans un livre écrit par Jacques Simonin. (photos cg)

Le 23 janvier 2008 restera le jour le plus sombre de sa vie. Jusque-là, la vie de Daisy Mercier regorgeait de petits plaisirs. Une vie familiale épanouie agrémentée de deux ados séduisantes, un mari aimant, une chouette maison pour abriter tout ce bonheur et ces petites choses qui rendent la vie agréable. Mais le destin vint dérégler cette félicité. Elle avait bien senti quelques signaux perturbateurs au niveau de sa santé, sans vraiment y accorder grande importance. Mais le verdict de ce jour-là fut cruel: la sclérose en plaques s’installait durablement, allait bouleverser son existence et celle de son entourage. Rien ne sera plus comme avant.

Native de Tavannes en 1962, mais ayant passé toute sa vie à Malleray, elle fit ses classes dans cette localité, puis un apprentissage de fleuriste. Daisy est l’épouse, depuis 1985, de François Mercier, expert automobile au centre d’expertise du même lieu. Deux filles sont venues combler le couple: Alyson, 29 ans et Shirley, 27 ans actuellement. Tout se passait merveilleusement bien dans la famille, avec ses hauts, ses bas, une vie des plus normales et heureuse. Daisy pratiqua le ski, la natation, le fitness ou le vélo, fit de longues virées à moto, travailla dans diverses entreprises avant d’être maman au foyer.

Elle sentait bien que quelque chose se passait dans son corps. Elle avait régulièrement froid ou mal aux jambes. Elle consulta divers médecins sans vraiment s’inquiéter. Puis vinrent des examens plus approfondis. Prises de sang, ponctions lombaires, IRM, etc. Et ce fameux 23 janvier 2008, elle fut convoquée avec son mari pour entendre le terrible verdict: sclérose en plaques. Une maladie neurologique, auto-immune, une pathologie qui affecte le système nerveux central et plus précisément les gaines de myéline qui entourent les neurones et assurent la propagation des influx nerveux. Coup d’assommoir!

Mère courage

Des moments pénibles succédèrent à cette sentence, avec pleurs, révolte, colère, refus, doutes ou découragement. Quoi de plus normal quand on est coincé dans un corps qui n’obéit plus, avec une main gauche paralysée? Mais il faut faire face. Daisy montre alors de la ténacité, de la lucidité, de la clairvoyance. Les premiers émois passés, il faut accepter. Elle sait qu’elle peut alors compter sur sa famille qui jamais ne la laissera tomber. Aux béquilles succèdent la chaise roulante, puis la chaise roulante électrique. Il faut aussi équiper et adapter le logis à cette nouvelle situation. Dans l’ancienne maison de 1907 magnifiquement rénovée, on installe un ascenseur et les transformations relatives aux changements de vie future. Une aide est nécessaire en semaine, avec la visite journalière d’ASAD (aide et soins à domicile), une assistance ménagère proposée par l’AI, des soins de physio et d’ergo, un suivi neurologique, l’aménagement d’un bus pour les déplacements. Elle peut compter aussi sur l’assistance de son mari François pour le lever et le coucher, la bienveillance de ses filles, et de quelques amies fidèles qui dégagent une énergie positive. Sans oublier les médicaments et injections qui peuvent la plonger dans un état second.

Une nouvelle Daisy voit le jour qui a envie de croquer la vie à pleines dents et faire la nique à l’adversité. Avec sa chaise motorisée, elle fait ses courses, va voir des expos et des concerts, va aux zoos de Zurich, Bâle ou Crémines, adore aller au Royal de Tavannes, a rencontré la skieuse Vreni Schneider, son idole, etc. Elle aimerait aussi devenir supportrice de hockey pour soutenir le HC Bienne.! Bref, elle se reconstruit, en même temps que sa maladie progresse et puise son énergie auprès des personnes valides, en rencontrant des gens formidables, précise-t-elle, et non au travers d’associations relatives à la maladie. Elle se sent bien dans sa tête, profondément différente, décide de faire avec la maladie et pas contre. Elle ne veut pas se centrer sur son malheur.

Un livre comme exutoire

Comment canaliser autant de changements dans sa vie? Il lui a bien fallu cinq ans pour digérer tout ça et faire le tour de son histoire. C’est la rencontre avec Jacques Simonin qui jouera le rôle de déclic. Cet homme, prof à l’école de Malleray a eu ses deux filles en classes. Il rencontrait Daisy dans sa chaise: bonjour, ça va? Et il lui proposa de raconter son histoire, juste pour l’aider à concrétiser son témoignage. C’est ainsi qu’est née une belle complicité entre eux lors de la douzaine d’entretiens qu’ils eurent pour qu’un petit livre sorte de presse chez Edilivre, un éditeur parisien. Il avoue avoir rencontré une femme positive et dynamique et découvert d’autres facettes. Elle va de l’avant sans se lamenter. Il a donc construit un schéma, que Daisy a approuvé, qui fut ensuite validé par l’éditeur. C’est ainsi qu’est né «Ce 23 janvier là…», un petit livre d’une cinquantaine de pages qui raconte le début de son enfer et de sa vie retrouvée. Un récit qui a jalonné le parcours d’une citoyenne lambda, qui pourrait bien intéresser celles et ceux qui ont vécu ce genre de traumatisme.

L’auteur

Jacques Simonin est un Ajoulot, né à Montfavergier en 1943. Son père était instituteur, profession qu’il embrasse lui aussi comme prof de sports et de géographie. Il fréquente les universités de Lausanne et Berne. Il enseigne à Glovelier, Delémont, puis à Malleray dès 1973, à l’école secondaire du Bas de la Vallée dont il devient directeur durant une quinzaine d’années. Sportif de haut niveau, il pratique la course à pied et est un montagnard averti qui gravit, entre autres, l’Himalaya, de grands sommets, et part en solo au Groenland. Il est aussi un admirateur de Paul-Emile Victor. Arrivé à la retraite, il décide de mettre sa plume au service d’autrui en devenant écrivain public. Il rédige textes divers, discours, actes d’émulation, corrige des mémoires d’étudiants ou publie des récits, comme celui de Daisy Mercier ou d’autres parcours de vie, parfois délicats ou originaux.

Claude Gigandet

Daisy Mercier évoque sa sclérose en plaques et le parcours qui a suivi dans un livre écrit par Jacques Simonin. (photos cg)