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«L’esprit Braderie» vole déjà en éclats!

Edition N°32 - 4 septembre 2019

Marcel Winistoerfer : «Le Conseil municipal parle d’une seule voix en conférence de presse.» (photo Géraldine Wiedmer)

Comme on pouvait le redouter, le mélange des camps opéré dans les guinguettes à la Braderie prévôtoise n’aura pas eu le temps de dégager toute sa saveur. A l’annonce du verdict rendu par le Tribunal administratif du canton de Berne sur le vote du 18 juin, les tensions sont apparues au grand jour, illico presto. Soupe à la grimace chez les uns, champagne chez les autres: le contraste n’a échappé à personne. Vaste tour d’horizon. 

L’amertume du Conseil municipal. Lors du point presse organisé le jeudi 29 août par le Conseil municipal de Moutier, le maire Marcel Winistoerfer s’est exprimé au nom du collège: «Le Conseil municipal n’est pas surpris, mais il déplore le peu d’égard que le Tribunal administratif manifeste envers une décision populaire. La démocratie, la seule, la vraie, celle qui tient compte de l’avis majoritaire du peuple est bafouée. Si l’on n’avait aucune confiance dans le jugement de la Préfecture, on espérait une toute autre analyse de professionnels en la matière. La décision rendue par le Tribunal administratif est tout aussi politique que la précédente et laisse une grande place à l’interprétation», indique-t-il. «Pour rappel, les citoyennes et citoyens de Moutier ont depuis 1982, pour le Conseil de Ville et 1986 pour le Conseil municipal et la Mairie, privilégié les candidates et candidats de l’Entente jurassienne lors des élections, soient neuf fois pour l’exécutif et dix fois pour le législatif. C’est une insulte faite à la majorité du peuple prévôtois que de ne pas tenir compte de cette réalité et du contexte particulier de cette votation.» Et Marcel Winistoerfer de poursuivre: «Il faut se rendre à l’évidence, une autorité bernoise sert d’abord les intérêts du canton. On évoque ici encore et toujours une trop grande intrusion du maire lors de la campagne qui a précédé le vote, mais on oublie qu’il n’a fait que corriger les allégations du Gouvernement bernois. C’est d’autant plus choquant que le Conseil-exécutif s’est livré à une opération de propagande tout au long de la campagne. Fort de ces sentiments, et compte tenu du fait qu’en l’espèce, l’autonomie communale est de toute évidence violée, le Conseil municipal examinera l’opportunité d’en appeler à une troisième instance pour faire valoir ses droits. Le Tribunal fédéral pourrait être ainsi saisi dans les délais d’un recours contre la décision du Tribunal administratif du canton de Berne.» 

Regret et indignation. En guise de conclusion, le maire de Moutier a déclaré: «La commune rejoindra la République et Canton du Jura, conformément à la volonté exprimée lors de la votation du 18 juin 2017. Le Conseil municipal conclut en réitérant son immense regret et son indignation à la lecture du jugement du 23 août 2019.» 

Irrespect total. Se pliant à la règle stipulant que le Conseil municipal parle d’une seule voix en conférence de presse, dixit Marcel Winistoerfer, l’élu PLR Jean-Jacques Clémençon, membre de la minorité antiséparatiste du Conseil municipal, a répondu aux journalistes à titre personnel dans les corridors de l’Hôtel de Ville: «Je ne peux pas accepter ces attaques proférées contre des institutions judiciaires ou supérieures. C’est un irrespect total!», s’est-il exclamé. Dans la perspective d’un nouveau vote, Jean-Jacques Clémençon est d’avis que son organisation ne devrait plus être assurée par la Municipalité de Moutier mais par des autorités supérieures neutres. 

Confiance rompue. Les recourants de première instance et Moutier-Prévôté ont accueilli le verdict du TA avec soulagement: «Justice a été rendue! La démocratie a bel et bien été violée lors de la votation sur l’appartenance cantonale de Moutier. En rejetant les recours du camp séparatiste, le Tribunal cantonal administratif a confirmé que de graves irrégularités ont entaché le scrutin du 18 juin 2017», indique Moutier-Prévôté dans son communiqué. «Pour avoir triché, les séparatistes ont en conclusion perdu la votation alors qu’ils n’ont cessé de clamer l’exemplarité du vote. Vu la gravité des faits, Moutier-Prévôté exige que les autorités prévôtoises soient démises de toutes leurs fonctions et que des mécanismes de surveillance soient mis en place. Il est exclu que les auteurs de ce fiasco, qui ont plongé la ville et l’hôpital dans la crise, assume une quelconque responsabilité dans l’avenir de la ville.»

«Sortons du bac à sable.» Lors des nombreuses interventions survenues dans le cadre du point presse organisé par les premiers recourants et Moutier-Prévôté, Steve Léchot estime qu’il est grand temps de passer à autre chose: «L’Amazonie brûle, et ici on se chamaille pour résoudre une question totalement dépassée. Sortons enfin du bac à sable et dépensons notre énergie pour se focaliser sur les vrais problèmes de notre époque.» De son côté, Marcelle Forster a évoqué la piste d’un moratoire: «Il faut maintenant reconstruire la ville en se rassemblant autour d’une table pour créer des projets novateurs dans la sérénité. Un vote immédiat ne ferait qu’exacerber les tensions.» Une situation que l’ancien conseiller national Walter Schmied souhaite absolument éviter : «Nous ne demandons qu’une chose à Moutier: vivre en paix!» 

Les dés étaient pipés! Dans un communiqué, l’Entente jurassienne ne cache pas son écœurement en évoquant le verdict du Tribunal administratif: «Aussi improbable que cela puisse paraître, il invalide donc le vote qui fut le plus surveillé jamais organisé en Suisse sur la base d’interprétations très contestables. En rendant un jugement à caractère politique, les institutions bernoises assènent une nouvelle fois aux prévôtois «vous avez juridiquement tord parce que vous êtes politiquement minoritaire» dans ce canton. Comme en atteste la procédure interminable et instruite uniquement à charge, les dés étaient pipés dès le début», martèle l’Entente jurassienne. «Dans un canton où les principes de l’état de droit ne sont pas respectés, il est manifestement possible de faire annuler n’importe quelle votation. Sans s’encombrer du respect de la démocratie, le Tribunal administratif a donc rendu une décision politique. Au lendemain de la décision de la Préfète, Dick Marti se demandait si, en tenant compte des critères admis par la première instance et confirmés par le Tribunal administratif, certaines votations fédérales ne devraient pas être annulées. La question mérite d’être posée. Le Tribunal fédéral qui sera indubitablement appelé à trancher sur le cas de Moutier devra en tout cas y réfléchir», relève encore l’Entente jurassienne. 

Olivier Odiet 

Lire aussi la rubrique Vie politique en page 19. 

Marcel Winistoerfer : «Le Conseil municipal parle d’une seule voix en conférence de presse.» (photo Géraldine Wiedmer)