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Quand Paris sent le roussi…

Edition N°11- 23 mars 2022

Le film raconte la véritable histoire des hommes et des femmes ayant combattu l’incendie de Notre-Dame. (photo ldd)

Dans ce 7e épisode de notre série cinéma, nous remontons un soupçon dans le passé avec le film « Notre-Dame brûle » pour revivre un incident important survenu en 2019 : l’incendie de la célèbre cathédrale parisienne. Gare aux brûlures !

Paris, le 15 avril en fin d’après-midi. Les alentours de Notre-Dame sont en effervescence. Des passants prennent en photo le colossal monument, des marchands négocient pour en vendre des répliques miniatures tandis que les touristes entrent dans le ventre de la bête pour assister à la traditionnelle messe. Tout semble normal, trop normal. 18 h 18, une première alarme incendie retentit. Les minutes passent et les Parisiens se rendent compte que quelque chose cloche avec leur cathédrale adorée. De la fumée sort du toit tandis que des flammes commencent à apparaître. Plus aucun doute : Notre-Dame brûle. Le tragique incident échappera à peu de monde, en tout cas pas à Jean-Jacques Annaud, réalisateur français de plus de 70 ans et bien inspiré par l’événement.

Le brasier ultime

Rien de franchement surprenant avec ce « Notre-Dame brûle », le film étant exactement ce qu’il promettait au spectateur, à savoir une œuvre décortiquant avec précision et perversité l’incident de 2019. En termes de reconstitution de l’affaire, le film semble tout à fait exemplaire.

En plus des décors physiques au réalisme bluffant, Jean-Jacques Annaud utilise judicieusement les dernières technologies pour recréer numériquement le brasier qui paraît plus que palpable. D’autant que les plans nous montrant la destruction par le feu sont entrecoupés par de véritables images capturées par les nombreux reporters en herbe qui observaient la scène de près ou de loin. En résulte une œuvre immersive démontrant toute la puissance de la magie du cinéma. Le tout n’est que renforcé par des acteurs dans l’ensemble très corrects, à un point où l’on pourrait suspecter la plupart d’entre eux d’être aussi pompiers dans la vraie vie. Le réalisateur n’y est probablement pas pour rien puisqu’en plus d’avoir collecté des tonnes d’archives vidéo, il s’est donné le mal d’aller à la rencontre des personnes ayant véritablement affronté l’incendie. L’effort mérite d’être mentionné.

Symboles brûlants

« Notre-Dame brûle » se veut probablement sérieux et respectueux. Pourtant, il y a cette impression que Jean-Jacques Annaud filme le chaos avec une étrange malice, ayant presque l’air de prendre plaisir à la destruction du monument parisien. Pompiers et employés de Notre-Dame, aussi héroïques soient-ils, sont souvent gaffeurs, et la caméra ne se prive pas de nous le montrer. Quant à la cathédrale en elle-même, le film semble souvent s’en moquer, qu’il s’agisse des guides touristiques qui en font des éloges ou des reliques religieuses venant quasiment à la vie.

La statue de la Vierge Marie se met à verser une larme tandis que de la fumée jaune et du plomb fondu jaillissent de la gueule des Gargouilles en pierre, figures monstrueuses et quasiment démoniaques. Jean-Jacques Annaud insiste particulièrement sur ces créatures grotesques qu’il montre à plusieurs reprises en train d’observer le symbole religieux qu’est Notre-Dame. Ajoutons à cela la coulée de flammes qui se déverse dans le chœur de la cathédrale, engendrant une destruction spectaculaire, et le message semble assez clair : c’est une petite Apocalypse en plein cœur de Paris. Alors, véritable volonté du réalisateur ou pure interprétation ? Libre au spectateur d’en décider. Il n’empêche que Jean-Jacques Annaud prouve à nouveau qu’il n’est pas un manche et qu’il continuera d’apporter de la joie dans les salles obscures, comme en témoigne le dernier plan du film, pur porteur d’espoir à la fois religieux et innocent.

Louis Bögli

« Notre-Dame brûle »
Réalisation : Jean-Jacques Annaud
Durée : 1 h 50
Pays : France
Note : 4/5

 

 

3 questions à …

Sébastien Sassi
Coresponsable de la programmation
du Cinéma Palace, à Bévilard

Diffuser dans les salles suisses un film traitant de la destruction d’un monument français a-t-il du sens ?
Je pense que oui car beaucoup de monde s’est déjà rendu à Paris pour admirer la cathédrale Notre-Dame, et la voir se faire détruire a dû être un véritable choc. Il y a aussi cette envie de découvrir comment les événements se sont déroulés et l’intérêt pour les histoires catastrophes qu’on lirait normalement dans les journaux. L’humain est bien plus attiré par les récits négatifs que positifs.

Ces films basés sur de véritables catastrophes sont-ils actuellement une tendance dans le paysage cinématographique ?
Non, en plus ça fait un moment qu’on n’avait plus vu ce genre d’œuvres en salle. D’ailleurs, en ce qui concerne « Notre-Dame brûle », les Français n’ont rien inventé puisque les Américains faisaient déjà la même chose longtemps avant, comme avec je ne sais combien de films relatant les événements du 11 septembre.

Peut-on s’attendre à l’avenir à davantage d’œuvres catastrophes basées sur des situations actuelles telles que la pandémie ou la guerre en Ukraine ?
La thématique du Covid a déjà été abordée dans plusieurs films. En ce qui concerne l’Ukraine, ce ne serait pas improbable, mais pour le moment c’est difficile à dire puisqu’on ne connaît pas encore le fin mot de l’histoire. Il faut toutefois ne pas oublier que les Français avaient tourné en parodie le cas de la Seconde Guerre mondiale durant les années 1960 avec le film « La Grande Vadrouille ». Reste à voir si la même chose sera appliquée avec Poutine.

(lb)

Le film raconte la véritable histoire des hommes et des femmes ayant combattu l’incendie de Notre-Dame. (photo ldd)