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Solidarité féminine sans frontières

Edition N°30 – 24 août 2022

Nadia Staub, Sylvie et Anna Geiser entourées de personnes les accueillant dans un village. (photos ldd)

Anna Geiser, du Fuet, et sa fille Nadia Staub, mariée et maman de quatre enfants, domiciliée près de Berne, ont vécu l’espace de vingt-six jours une mission en Côte d’Ivoire en juin dernier. A l’origine de ce récit, un drame que Nadia n’a jamais pu oublier.

De 1981 à 1987, Charles-André Geiser-Lauber, son épouse Anna et leurs deux enfants âgés de 9 et 5 ans habitaient en Côte d’Ivoire. Charles-André avait la responsabilité d’un studio de productions audios et visuelles (émissions radio, K7 de chants en langues africaines et histoires sous forme de diapositives) en langues vernaculaires.

Résidant à proximité de Man, une ville située à 600 km à l’ouest d’Abidjan, cette famille vivait à proximité d’une pouponnière créée par une ONG évangélique franco-suisse. Elle accueillait des bébés dont la maman était décédée à l’accouchement. 

Sylvie trouva là un refuge, en attendant qu’une famille puisse l’accueillir. La directrice proposa à la famille Geiser de s’occuper de ce bébé pour lui donner un environnement familial. C’est ainsi que Sylvie a grandi pendant trois ans environ dans cette famille suisse. 

Le papa de Sylvie, devenu veuf à l’âge de 41 ans, approuva cette décision et se montra très favorable à l’adoption de sa petite fille orpheline. Il déclara qu’il n’avait pas les moyens d’élever cette enfant et qu’une adoption était la solution idéale pour l’avenir de Sylvie. 

Et soudain, le déchirement…

La famille Geiser a entrepris les démarches administratives pour faire aboutir cette suggestion. Nadia considéra aussitôt que Sylvie était sa petite sœur. Elle prit soin d’elle et, débordante d’affection, la chouchouta sans mesure. Tout semblait avancer positivement, quand subitement, peu avant le retour comme prévu en Suisse de la famille, un événement dramatique brisa ce projet d’adoption. Une délégation du village natal de Sylvie se présenta chez les Geiser et déclara qu’elle s’opposait radicalement à ce projet. Elle exigea que Sylvie retourne sans délai dans son village natal. Son papa fut ouvertement traité de gamin, incapable à son âge de prendre de bonnes décisions. C’est ainsi que la famille Geiser revint en Suisse sans Sylvie. Pour Nadia, ce déchirement fut inacceptable. 

Une maison en guise de cadeau

Devenue adulte, Nadia tenta à trois reprises d’entreprendre des démarches pour retrouver Sylvie, sans succès. Mais en mars 2020, après plus de trente ans sans nouvelles, Nadia retrouva sa chère Sylvie qui habitait avec son compagnon et quatre enfants dans un village de brousse à 17 km de Man. A l’aide d’un ami ivoirien, équipé d’un smartphone, elles purent enfin se voir et se parler. Sylvie et les siens vivaient dans la maison sans confort de sa belle-mère. Nadia décida aussitôt d’offrir et de faire construire pour Sylvie une nouvelle maison sur un terrain qu’il fallut acheter. L’association Jeunes Espoir Afrique la réalisa en un temps record en géo-béton. Son financement fut assuré par l’investissement personnel de Nadia, des familles Geiser, Lauber, de plusieurs amis et des Editions Oladios. En septembre 2021, Nadia se rendit en Côte d’Ivoire pour rencontrer enfin Sylvie. Avec un ami d’enfance ivoirien établi aux USA, Nadia se rendit en voiture dans l’Ouest. Dans leurs bagages, ils emportaient des vêtements, 100 filtres à eau et des sceaux pour passer de l’eau polluée à l’eau propre. Dans quatre villages, Nadia et son ami ivoirien formèrent des mères de familles au fonctionnement et à l’entretien très simple de ces filtres. Nadia, grâce à ses finances et celles de ses amis, démarra des plantations de riz de bas-fond et d’autres aliments dont profiteraient Sylvie et d’autres personnes.

En 2022, profitant d’un changement d’emploi, Nadia décida de voir l’évolution des projets. Le bilan est globalement positif. Spontanément, des femmes ayant reçu et utilisé les filtres à eau déclarèrent que depuis septembre dernier leurs enfants ne souffraient plus de diarrhée. Grâce à la liquidation d’un stock de gilets de sécurité offerts par la Police cantonale bernoise, plus de 200 personnes en ont profité. Anna, Nadia et Sylvie plantèrent aussi sur sa propriété des avocatiers, des citronniers, des orangers et des mandariniers. Si Anna l’a accompagnée, c’est pour revoir enfin Sylvie et un coin de pays qu’elle n’avait plus parcouru depuis une trentaine d’années.

A l’aéroport d’Abidjan, des panneaux bien visibles informaient les voyageurs qu’il ne fallait pas céder aux tentatives de corruption et renoncer à corrompre. Ce qui l’a surprise, entre autres, c’est l’évolution démographique de Man qui, en quarante ans, a passé de 50’000 habitants à 200’000. Pour des raisons de sécurité, Nadia et sa maman, après avoir visité plusieurs villages parfois difficilement accessibles – l’un d’entre eux distant de 18 km exigea 45 minutes en 4×4, auxquels s’ajoutèrent de longues distances parcourues à pied sur des sentiers de brousse – retournèrent chaque soir à Man au Centre d’accueil Béthanie de l’Eglise catholique. Cette mission effectuée avec une voiture de location leur a fait parcourir près de 2500 km. 

Une mission épuisante achevée dans la bonne humeur

Les deux Suissesses payèrent de leur poche leurs frais personnels. La vente en Suisse des produits artisanaux et de riz ivoirien rapportés de ces voyages en octobre 2021 et juin 2022, des dons privés ajoutés au sponsoring des Editions Oladios permettent de soutenir ces projets. Au retour en Suisse de ce duo, placée sous la protection de Dieu, cette mission épuisante s’est achevée dans la bonne humeur.

Charles-André Geiser

 

Sylvie et deux de ses enfants observent Nadia et Anna remplissant une bouteille d’eau filtrée.

Nadia Staub, Sylvie et Anna Geiser entourées de personnes les accueillant dans un village. (photos ldd)