Portraits

Un parcours de vie hors normes !

Edition N°44 - 30 novembre 2022

Heidi Bergonzo : « En vingt-neuf ans, je n’ai pas manqué un jour de travail pour une fantaisie quelconque. » (photo oo)

La guerre en Ukraine fait remonter de douloureux souvenirs à la surface pour Heidi Bergonzo qui avait dû quitter l’Allemagne sur un char à foin tiré par des chevaux avec sa maman, sa sœur et son frère en 1945 pour se réfugier en Tchécoslovaquie et en Autriche durant deux ans avant de revenir au pays, dans le Bade-Wurtemberg. Sa rencontre avec son futur mari, Roger Bergonzo, l’a conduite à Moutier où ils fondèrent l’entreprise Berotec en 1974. Veuve depuis 1997, Heidi Bergonzo coule une paisible retraite à Belprahon sans jamais s’ennuyer, son emploi du temps étant rythmé par ses différentes passions et l’entretien de sa maison. Rencontre avec une octogénaire coquette, attachante et sereine en toute circonstance.             

Née en 1937, Heidi Bergonzo n’avait que 8 ans lorsqu’elle a dû quitter l’Allemagne précipitamment en janvier 1945 avec sa maman, sa sœur et son frère, mais sans son papa qui était déjà en guerre. « Nous sommes partis sur un char à foin avec une bâche, tiré par des chevaux. En plus de ma famille, il y avait également une dame et sa fille, une amie de ma sœur. Depuis ce jour-là, je n’ai plus eu de domicile durant deux ans. Il fallait parfois dormir sur ce char alors qu’il faisait -20 degrés. Je me souviens aussi que dans un pré à proximité de Prague, mon frère et moi, nous nous sommes couchés sur ma sœur de 16 ans pour la cacher et éviter ainsi qu’elle ne se fassent violer par les Russes. » A Vienne, dans un camp américain, Heidi et sa famille ont reçu à manger ainsi qu’une tasse de lait. « C’était un don des enfants suisses et je m’en rappelle comme si c’était hier, car durant deux ans, j’ai toujours eu faim et je me demande parfois comment on a survécu à tout ça », explique-t-elle. Heidi Bergonzo a également vu mourir sous ses yeux des personnes âgées atteintes de la maladie de la typhoïde. Pour se laver, Heidi et sa famille n’avaient pas d’autre alternative que celle de trouver un robinet ou une fontaine. « A Melk, en Autriche, nous avons dû dormir dans un couloir sur des bancs d’école. Les Russes surveillaient les lieux avec des mitraillettes et nous ne pouvions pas sortir comme on voulait par peur des représailles », signale-t-elle. Une bonne nouvelle se dégage quand même de ce sombre tableau. Après avoir effectué des démarches auprès de la Croix-Rouge, des échanges de noms et d’adresses ont permis de retrouver le papa d’Heidi et sa maman a pu lui écrire : « Le fait d’apprendre qu’il était vivant a résonné comme un énorme soulagement. » 

Rattraper un retard scolaire de deux ans  

Après deux ans d’enfer, Heidi et sa famille ont pu retourner en Allemagne, en Bavière, à trois kilomètres de Cham, dans un appartement de trois pièces. « J’avais dix ans et c’est la première fois que je pouvais aller à l’école, avec un lourd handicap : rattraper deux ans », relève-t-elle. Lorsque son frère a terminé l’école, il aurait pu trouver un emploi dans une banque, mais il a opté pour le métier de boulanger pour être sûr de ne plus jamais avoir faim. Coiffeur de profession, le papa de Heidi ne trouvait pas de travail en Bavière et la famille est partie s’installer dans le Bade-Wurtemberg. A l’âge de 14 ans, Heidi a rejoint sa sœur et son frère à Munich où elle a effectué un apprentissage d’assistante-dentaire : « L’âge légal pour commencer un apprentissage était de 16 ans, mais j’ai pu obtenir une dérogation », explique-t-elle. Elle a encore travaillé comme assistante dentaire après l’apprentissage, mais ce métier était très mal payé et Heidi est retournée vivre chez ses parents à Schwenningen où elle travailla à l’usine. C’est dans cette ville qu’elle a connu son futur mari Roger Bergonzo. Le mariage s’est déroulé à l’église protestante de Moutier en 1961. Roger travaillait dans l’entreprise de décolletage familiale avant de décider de quitter l’usine au décès de sa maman en 1973. C’est le 1er mai 1974 que le couple s’est mis à son compte dans des locaux situés chez Mosimann, vis-à-vis de l’Hôtel Oasis en créant la Berotec. La construction d’une nouvelle usine à la Verrerie a été réalisée à la fin de l’année 1978. Cette usine qui s’est développée à vitesse grand V a été agrandie à deux reprises. « En 29 ans, je n’ai pas manqué un jour de travail pour une fantaisie quelconque », signale-t-elle. Du travail administratif à l’essorage, en passant par le contrôle et d’autres tâches, le couple a travaillé jouer et nuit pour pérenniser une entreprise vendue en juillet 2003 à Angelo et Liliana Redivo-Frazzetto toujours aux commandes aujourd’hui. Veuve depuis 1997, Heidi Bergonzo coule une paisible retraite dans sa maison de Belprahon. Elle reste très active et partage sa passion du jass avec un noyau d’ami-e-s. Heidi apprécie tout particulièrement la musique folklorique suisse et la musique classique. Ajoutez à cela le tricot, l’entretien de sa maison, les déplacements en Allemagne avec sa voiture pour rendre visite à sa sœur et vous aurez compris que la vie de cette octogénaire laisse de la place à tout sauf à la monotonie. Heidi participe également aux différentes manifestations organisées dans le village de Belprahon avec positivité, bonne humeur et enthousiasme. Le fait de ne pas avoir eu d’enfant reste le principal crève-cœur de sa vie. Avec le recul, cette ancienne skieuse invétérée souligne que sans la guerre, elle n’aurait jamais trouvé son bonheur en Suisse, pays qui lui a beaucoup donné et réciproquement. C’est ce qu’on appelle du win-win. 

Olivier Odiet

Heidi Bergonzo : « En vingt-neuf ans, je n’ai pas manqué un jour de travail pour une fantaisie quelconque. » (photo oo)